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Printemps 2017 : Ski en Islande et au Spitzberg
Lors des croisières 2014 et 2015 sur Chugach, nous avions pu skier en Norvège, mais peu au Spitzberg et en Islande. Nous étions un peu tard en saison à ces deux endroits et je m’étais bien promis de revenir.
Ce premier séjour de ski de rando en Islande est organisé par Jean Annequin, guide à Chamonix (jean@montagnesdumonde.fr), en utilisant une logistique de taxi local, 2 petits hôtels pour la première moitié du séjour et 2 refuges non gardés pour la 2e moitié. Objectif : Au N de l’ile, les montagnes de part et d’autre du Eyjafjordur, le grand fjord d’Akureyri.
Après un voyage un peu retardé par la météo, le 30 avril nous attaquons « sec » en mi journée depuis Grundarkot, au fond du fjord du Heidinsfjordur, où Chugach avait mouillé en 2015 et où avec Eric nous avions vainement cherché les truites de mer. Dès l’arrivée à Akureyri nous avions compris que ce séjour serait sous le signe du portage, conditions post printanières, neige de névé, etc. De gauche à droite : Charlotte, Kate, Virginie, Matthieu, Walter, Jean-Pierre, Olivier, et Jean en médaillon.
Il fait assez chaud, la neige est bien tassée mais molle en surface, peu ou pas de risque d’avalanche sur les pentes sur lesquelles nous évoluons. Du vent de SE, avec un temps couvert mais pas bouché. On monte, on descend, on remonte, on redescend pour arriver près d’Olafsvik où nous avons notre hôtel. Finalement, ski agréable.
Le 2e jour, nous partons faire la traversée d’Olfasvik à Dalvik dans la fameuse péninsule des Trolls. Temps plutôt moche au départ, qui s’améliore bien, et finalement, de cols en sommets, nous ferons du bon ski avec 2000m de dénivelé et 30km parcourus ce jour là, pour arriver directement en ville (à pieds, pas à ski) à l’hôtel où nous attendent nos bagages. Hôtel ouvert pour nous où nous ferons 2 repas quasi gastronomiques.
Le 3e jour, petit sommet dans le jour blanc et le vent de SE fort, ce ne sera pas la meilleure journée. Beaucoup plus intéressant, apéritif alsacien le soir au port avec Fred et Fredo du voilier Fredoya, qui a passé l’hiver à Reykjavik et se prépare à monter au Spitzberg. Comme souvent, le courant passe bien entre voileux et montagnards.
4e jour : 1h de bus efficace pour passer de l’autre coté de notre terrain de jeu, à Björg au bord du Skjalfandi. Démarrage champêtre… Mais il fait beau, ça a serré, et le vent est tombé.
Une vallée, un premier col, une vallée, un 2eme col…
Descente sur le glacier Grimslandjokull, pour arriver dans une gorge impraticable (ça doit passer quand il y a de la neige), qui nous oblige à remonter vers l’W pour descendre sur la vallée de la Dalsa. Le refuge nous tend les bras…de l’autre coté de la rivière…bien chargée en eau de fonte…mais on finit par trouver un endroit où passer. Pas si facile.
Refuge très agréable, on va chercher l’eau pieds nus dans la prairie dans un petit ruisseau à 100m.
Le lendemain, dilemme. Les sommets les plus intéressants sont rive droite, mais on ne se sent pas trop de retraverser la rivière. Finalement on tricote sur les crêtes derrière le refuge, bonne neige.
6e jour, belle traversée bien skiante vers le 2e refuge. On a un peu appris : On anticipe et on ne se fait pas piéger par la gorge finale, et la rivière Illagilsa est traversée sans difficulté. Toujours beau temps mais le brouillard arrive.
7e jour : Un pont en aval du refuge permet de traverser la rivière vers des sommets intéressants. Brouillard, on passe au dessus des nuages pour atteindre un premier sommet. Il fait trop chaud pour aller au suivant via des pentes E, du coup on fait 2 fois le premier sommet. Excellent.
8e et dernier jour : Longue traversée ascendante en fond de vallée entre 2 volcans vers un dôme, encore 2 torrents à traverser (la routine), et on arrive à Grenivik les Bains où le bus vient nous récupérer pour rentrer à Akureyri. Nettoyage à la piscine municipale.
Nuit imprévue à l’aéroport international de Keflavik pour cause de réglementation locale (un peu long à expliquer) avant le retour en France devenue macronienne la veille.
Bilan très positif : Une belle traversée dans ces massifs du N de l’Islande, de villages en refuges. Pimentée par quelques traversées de rivières. Un terrain de jeu pour nous tous seuls, à par 2 hélicos à skieurs croisés de très loin. Beau temps sauf les 3 premiers jours, mais toujours une neige printanière agréable. Même les portages se sont fait oublier. Tout le monde est ravi du séjour, merci Jean.
Dix jours plus tard, nouveau départ depuis Orly Sud, direction Longyearbyen au Svalbard. Afin de rejoindre Aztec Lady (http://www.azteclady.com), Antoine, skipper et propriétaire, ses équipiers Ernesto et Paul, et Jean Bouchet (jeanbouchetguide@hotmail.fr), guide-explorateur-torcheur à Chamonix (non, tous les guides de Cham ne s’appellent pas Jean !), instigateur de ce nouveau projet d’alpiski©. Nous sommes 11 skieurs, et donc 14 à bord, pure testostérone.
De gauche à droite et de haut en bas : Antoine le skipper et parfois alpiskieur, Olivier G. alpiskieur et trop rarement cuisinier, Bernard notre doyen et fusible volontaire sous les crêtes, 2 Vincent, Fred, Pascal, Ernesto et Philippe, Jean, et enfin dans le zodiac, Paul, Olivier F., et les discrets et efficaces Pierre et François.
Aztec Lady est un solide fifty de 21m, souvent croisé par Chugach ces dernières années, en particulier en 2014, au Spitzberg déjà. C’est un peu le bateau idéal pour ce type de projet, robuste, confortable, un gros moteur…et un équipage très disponible et plein de ressources culinaires.
Arrivée le 19 mai à Longyearbyen où Aztec Lady est au ponton flottant. Le port est bien calme en cette saison.
Petit tour en ville, plein de bière et départ l’après midi vers Trygghamna. Les oiseaux, qui avaient déserté l’archipel pendant l’hiver, sont en train de revenir : Oies, eiders, guillemots, macareux, mergules… La nuit, on entend le chant d’amour des phoques barbus à travers la coque. Cette fois ci pas d’ours à Trygghamna comme en 2014, mais des rennes et un renard.
Pour la lecture de la suite, fjellet et toppen= sommet, hamna = baie, breen= glacier.
Le lendemain, jour blanc. Jean qui est déjà là depuis 2 semaines, a constaté que la neige est meilleure au N de l’archipel qu’en son milieu où nous sommes, où elle a été vitrifiée par de la pluie. Au lieu d’aller grimper, on fait du N jusqu’à la banquise qui en ce moment est située au N d’Amsterdamoya vers 79°50’N. Arrivée le 21 mai à Sallyhamna 120 nm plus haut. Temps médiocre, petite course dans le mauvais temps : Ascension du Birgerfjellet par le Birgerbreen et un couloir, redescente par le Tessinbreen. Mais bonne neige.
Le soir, déplacement vers Virgohamna. En cette saison le mouillage est vide et les vestiges « historiques » sont sous la neige. Le lendemain, déplacement vers le Fuglefjorden, vent NW, il neige à l’horizontal, et il fait -10°C.
La glace rentre du N et menace, échappée vers la Baie de la Madeleine 15 nm au S, mouillage à Trinityhamna.
Ascension dans le mauvais temps du sommet à 606m au dessus du mouillage, d’abord par le Gravnesbreen puis par un couloir NW pour atteindre le sommet, descente par des couloirs N. Plaque au départ.
La photo du couloir qui suit a été prise 2 jours plus tard une fois le beau temps revenu.
23 mai, toujours mauvais temps, on temporise. Départ en après midi par le Miethebreen. Remontée/ enrouler du sommet à droite jusqu’à un col corniché, sortie par une pente à droite sur assurage piolets faute de coinceurs. Les mergules nous surveillent bruyamment. Et surprise, le soleil arrive !
Descente depuis le col par un couloir puis un petit glacier jusqu’au SE du point de départ. Lumière et neige de cinéma. Euphorie générale.
La photo qui suit est prise d’en face 2 jours plus tard et montre l’itinéraire de descente.
Le soir, brandade de morue (pêchée par Aztec Lady aux Lofoten quelques semaines plus tôt) toute aussi sympathique que la descente du jour.
Le lendemain il fait toujours beau !
Pour les mycologues avertis, un pieds de mouton arctique :
Remontée du Halkebreen avec le projet de traverser vers le Smeerenburg Fjorden en torchant quelques sommets au passage. Mais du premier col, le Smeerenburg nous apparait encombré par la glace et totalement inaccessible à Aztec Lady, ce que confirme Antoine qui bute contre les floes à la sortie de la Baie de la Madeleine.
Du coup on enchaine 4 sommets au dessus de la Madeleine : Un premier sommet à 758m en remontant le Scheibreen vers l’E. Redescente par la voie de montée, excellente neige.
Vue sur l'objectif suivant, le Gertraudtoppen:
Montée au Gertraudtoppen à 765m par un couloir puis une traversée d’arête esthétique.
Descente d’un joli couloir SW. Encore une plaque au départ, bonne neige dans le couloir.
Puis montée au Tyskerfjellet à 1000m, face, belle arête, sommet type chou-fleur.
Descente par la voie de montée. Vue du Tyskerfjellet depuis le petit col avant la montée au Pencktoppen à 897 m, 4e et dernier sommet de la journée.
Montée par une arrête facile jusqu’au Pencktoppen, encore un sommet en chou fleur.
Descente parfaite par le Salzburgbreen et retour au point de départ.
Au total 1700m de dénivelé, excellente journée.
Le lendemain il fait toujours beau !
Avant de partir grimper, Antoine veut aller inspecter la glace à la sortie de la baie de la Madeleine pour ne pas se faire coincer, et en route on croise un ours, qui nous occupe un moment.
On part finalement skier, montée par la rive droite du Brokedbreen jusqu’à un col, vue magnifique sur le Waggonwaybreen. Descente sur 200m dans sa direction, puis remontée vers le N en direction d’un sommet rocheux à 752m, arrêt 50m en dessous.
Descente par l’itinéraire de montée, remontée d’un couloir S jusqu’au Auefjellet (843m). Descente par un couloir SW et retour jusqu’au point de départ.
Ci dessous les sommets réalisés en Baie de la Madeleine.
Départ vers la Baie de la Croix 20 nm au S. En route excellent cassoulet. Mouillage à Möllerhamna à minuit. 26 mai, jour blanc, petite neige. Tentative de montée au Kronprins Olavs Fjellet à 1000m, arrêt à 850m. L’après midi, l’équipage au complet et une partie des montagnards montent au col entre Kongekrona et Septeretet, baptisé col de la Torche.
Le soir, après un apéritif rhum arrangé (Paulo a vécu à la Réunion), excellent gigot cuisson lente, il ne reste rien.
Le lendemain, ascension du Snodomen, très beau sommet à 1215m (en haut les altimètres donnent 1315m) en mode accéléré car le temps menace de se boucher.
Antoine est de la partie. Nous empruntons pour y monter un itinéraire intéressant et sans doute original en remontant le Snodombreen jusqu’à l’épaule SW. Sortie directe par l’arête S au sommet.
Belle descente en NW par la voie normale jusqu’à la mer où Aztec Lady vient nous récupérer. Et le beau temps est revenu !
L'itinéraire réalisé :
Déplacement vers Sarstangen et ses colonies de morses pour la nuit, petite fête pour célébrer le Snodomen.
Il doit faire beau le lendemain, objectif le Monaco Fjellet sur l’Ile du Prince Charles, bien visible du mouillage, et qui n’a jamais été skié.
28 mai : Il neige. Déplacement vers l’ile du Prince Charles jusqu’à Trocaderostranda sous le Monaco Fjellet. Amélioration vers 13h, on part. Antoine nous accompagne à nouveau. Cheminement sinueux en longeant la cote à ski sur la banquise vers le N pour éviter plusieurs zones de séracs.
Détour efficace, mais le nuage revient sur nous, on ne voit plus la face E que nous devons remonter. On passe sous la face pour passer la rimaye à son extrémité S, mettre les crampons et rejoindre la longue arête qui part vers le N en s’élargissant en croupe et gros champignon.
Peu avant le sommet, crevasse surprise dans le sens de la croupe, plus ou moins couverte, au positionnement difficile à détecter. Le 10e skieur (moi) passe dedans jusqu’au ventre. Sommet atteint dans le brouillard, dommage pour la vue et la descente !
Descente à ski à peu près sur l’itinéraire de montée, très bonne neige.
Belles lumières, arrivée au bateau à 22h30.
L'itinéraire réalisé:
29 mai : Lever 6h, il fait beau, objectif le Phipps Fjellet. Mais le vent rentre, les cirrus avec, et on dérape avant d’avoir pu débarquer. On part vers la Baie de St Jean s’abriter en faisant prendre l’air aux voiles. Trois autres bateaux sont là, c’est nouveau pour nous.
Mouillage au S du fjord, ascension du sommet à 692m au dessus de nous. De la vitre sur les 150 derniers mètres à la montée, bonne neige en NW à la descente sur Copper Camp. Bonne nouvelle, on a mangé tout le pain, Antoine est obligé d'en faire, il est bien meilleur.
Déplacement vers le fond du fjord en rive N pour la nuit. Le lendemain, bel enchainement de 2 sommets avec un temps qui s’améliore progressivement pour devenir printanier.
Descente du premier sommet (757m) en croute plaquée, pas terrible.
Remontée à un col puis arête jusqu’au 2e sommet (687m), descente avec bonne moquette poil court. Très bel enchainement avec 2 arêtes esthétiques pour atteindre chacun des sommets.
Déplacement en soirée vers Trygghamna pour se rapprocher de Longyearbyen. Le vent rentre, et 2 baleines bleues croisent notre route. Observation mutuelle pendant 1h, rejoints par un baleinier norvégien à qui notre manège avait fait espérer un petit rorqual (son gibier autorisé).
Mouillage au fond de Trygghamna, entre les ilots avec vue sur l’objectif du lendemain, un sommet dans notre N à 944m.
31 mai : Le vent qui a soufflé depuis une dizaine d’heures à tout décapé, ascension sur beaucoup de vitre, couteaux puis crampons. Sommet vers 12h30, descente vibratoire prudente sur la vitre. Retour au bateau avec en arrière plan une troupe de belugas.
Déplacement vers Lonyearbyen et diner le soir au Kroa et digestif au KB. Fin de partie. Fredoya est là au mouillage mais hélas ne répond pas à la VHF.
Bilan de nos 12 jours sur place : Conditions hivernales sauf le 30 mai. Le mauvais temps des 3 premiers jours nous a apporté quelques instabilités mais aussi de la poudre de qualité au N du Smeerenburg, dans les Baies de la Madeleine et de la Croix, ainsi que sur l’Ile du Prince Charles. Nous sommes sortis tous les jours sauf le premier, après un choix tactique judicieux de faire du N. Assez peu de dénivelé réalisé au regard des capacités du groupe, mais en contrepartie une quinzaine de sommets techniquement intéressants dont probablement 4 ou 5 originaux, y compris une nouvelle voie de montée au Snodomen. De beaux enchainements et des arêtes toujours esthétiques. Merci à Jean, et à Antoine et son équipe, pour cette belle expédition.
Crédit photos : Jean, Vincent(s), Olivier(s), Fred, Bernard, François, Pierre, Pascal
Crédit cartes : toposvalbard.npolar.no